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Carnets de campagne d'un citoyen ordinaire
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15 novembre 2006

Chacun ses références

Quand les partisans de Strauss-Kahn et de Fabius vont chercher leur soutien auprès de chantres du libéralisme comme Alain Duhamel ou Emmanuel Todd, je préfère trouver mes références chez des hommes de gauche comme Charles Fiterman ou Gabriel Cohn-Bendit dans les deux textes qui suivent :

Enseignants : le courage de Ségolène Royal

Par Gabriel COHN-BENDIT, ancien enseignant, militant de l'éducation.

La socialiste a raison de poser la question du temps de présence des professeurs dans les établissements.

Je n'ai pas attendu la vidéo pirate que des «gentils» camarades socialistes ont mise sur le Net pour écrire, au printemps de cette année, dans un Rebond ( Libération du 9 mai 2006) où je défendais déjà la candidature de Ségolène : «A propos du combat qui est le mien depuis quarante ans, celui de l'école, elle a dit que le rôle des enseignants n'était pas seulement d'instruire mais aussi d'éduquer et qu'il faudrait reposer la question du temps de présence des enseignants dans les établissements scolaires.»

Passons sur le procédé, il est curieux que ceux qui protestent contre les Conseils des ministres télévisés et qui s'indignent de ce qui s'est passé en Hongrie ­ où un «camarade» a filmé les déclarations du Premier ministre à son insu pour les rendre publiques ensuite ­ jouent ce petit tour à Ségolène. Mais moi, cela ne me choque pas, je suis favorable à ce que même des réunions de travail puissent être filmées. Ce serait assez drôle de savoir ce que Fabius ou DSK et leurs amis se disent quand ils sont entre eux, que ce soit sur Ségolène ou sur ce qu'ils pensent vraiment.

Il y a plus d'un an, le Parti socialiste, dont je n'étais pas encore membre, m'avait invité à un débat sur l'école. J'avais commencé mon intervention en disant : «En parodiant la formule entre boire ou conduire, il faut choisir, je dirais : entre poser les problèmes de l'école et garder l'électorat enseignant, il faut choisir. Ou le PS veut garder son électorat enseignant, et il ne posera pas les problèmes de l'école, ou il les pose et risque de perdre une partie de son électorat enseignant.»

Sur le fond, je dirais donc : premièrement, que le temps de travail des enseignants du secondaire, collèges et lycées, est bien calculé sur la base de 36 heures. Les certifiés font 18 heures de cours qui sont évaluées à deux heures de travail en tenant compte des préparations et des corrections. Deuxièmement, qu'il y a longtemps que des pédagogues et certains syndicalistes, dont ceux du SGEN, proposent des changements en diminuant les heures de cours, les ramener de 18 à 15 par exemple, et d'augmenter par contre les heures de présence. On remplace une heure de cours par deux heures de présence, ce qui ferait 21 heures de présence dont 15 heures de cours.

Le 27 février 1996, nous avons signé à plusieurs, Antoine Prost, Louis Legrand, Jean-Claude Guérin, Marie Danièle Pierrelée, entre autres, un Rebond, toujours dans Libération, intitulé «Des équipes pour travailler autrement», où nous disions déjà : «Le service des enseignants, traditionnellement compté en heures de cours, sera forcément à redéfinir ; on comprendra donc aisément qu'on ne peut faire partie d'équipes ayant de tels objectifs que sur la base du volontariat.»

Oui, c'est bien sûr la base du volontariat et non en imposant à tous les enseignants des changements qu'ils n'acceptent pas qu'il faudra commencer. Faire la preuve qu'une présence plus importante peut réduire les tensions et donc rendre le travail des enseignants plus agréable donc moins fatigant et stressant. Rappelons qu'en Allemagne, les enseignants doivent 25 heures de cours et en Suède ils doivent 35 heures de présence dont 20 à 22 heures de cours et ce pays a, avec la Finlande, les taux de réussite les meilleurs.

Une fois de plus, Ségolène a le mérite de poser des questions de fond que ses concurrents socialistes, par pure démagogie, n'osent aborder. Avant un vote dans le PS, où le corps enseignant est important, elle fait, une fois de plus, preuve de son courage politique.

(Source : LIBERATION.FR, mercredi 15 novembre 2006)

Ne tuez pas l'espérance

Par Charles Fiterman, ancien ministre

La démarche politique de Ségolène Royal a l'immense mérite de chercher à mettre en mouvement la société elle-même.

C'est devenu une banalité que de souligner les changements considérables qui affectent la société et le monde depuis une vingtaine d'années. Ils concernent les sciences, les technologies, les façons de produire et les produits eux-mêmes, l'organisation des productions et leur répartition sur la planète, l'organisation politique du monde et les relations entre les pays et les humains, les modes de vie, les mœurs.
    Il est pourtant un domaine qui, pour l'essentiel, échappe à ces mutations, qui tarde à les traduire, c'est celui du politique. Ses repères, ses concepts, ses structures, ses pratiques sont encore largement ceux du passé. Ce qui nuit gravement à son efficacité et est à la base de la distance, dangereuse pour la démocratie, prise entre
les citoyens et leurs représentants.

Je suis de ceux qui pensaient que la novation nécessaire passerait par l'étude, la  recherche, le débat à partir desquels s'élaboreraient une nouvelle donne, de nouveaux concepts et de nouvelles formes politiques, susceptibles de faire l'objet de décisions de congrès. Les circonstances, et sans doute aussi les hommes, ne l'ont pas permis. Il y a certes eu des initiatives prometteuses dans les années 90 : le mouvement Refondations, les Assises de la transformation sociale. Des idées ont été lancées comme cette "nouvelle alliance des couches populaires et des couches moyennes" avancée par Lionel Jospin. Mais les actes n'ont pas suivi. Le désastre du 21 avril 2002 me semble devoir pour beaucoup à cette absence d'ouverture d'une perspective politique mobilisatrice et rassembleuse. Il a fallu ensuite éviter la dispersion des forces, relancer l'action - François Hollande a le mérite de s'y être consacré avec succès - et faire face à un débat
européen qui a remis au premier plan la division traditionnelle de la gauche sur ce point. Mais le principal n'a pas pu se faire.

Et voilà que dans la préparation de l'élection présidentielle émerge d'une façon inattendue une personnalité, une candidature : celle de Ségolène Royal. On a dit et on répète qu'il n'y a là qu'un effet d'image, le résultat d'un battage médiatique et sondagier. Bien sûr, ses concurrents et ses critiques ne se préoccupent pas de leur propre
image, ne prennent jamais connaissance des sondages, ne choisissent pas leurs postures en fonction de ce qu'ils perçoivent de la société ! Soyons sérieux, l'image compte, elle n'est pas neutre. Et celle que renvoie Ségolène Royal, inhabituelle à ce niveau en France, c'est celle d'une femme volontaire, intelligente, tenace. Son langage est
direct, concret, sans détours.

Il n'y a pas dans le discours qu'une musique des mots, il y a les mots eux-mêmes. J'ai pris la peine d'en faire une lecture attentive, sans me contenter de ce qu'en disent les médias. J'y ai trouvé des orientations fortes et neuves, qui rejoignent celles que je défends, avec d'autres, depuis plus de dix ans. D'abord, la promotion d'un nouveau type de développement qui lie étroitement la croissance économique, le progrès social et la prévoyance environnementale. C'est le développement qualifié de durable, pris dans toute sa dimension. Et puis, une liaison nouvelle établie dans les objectifs et dans l'action
entre l'individu et le collectif, entre les indispensables transformations réalisées par la volonté collective démocratique et la prise de responsabilité de l'individu, encouragée et élargie par des libertés nouvelles. Il y a là une leçon essentielle tirée de l'échec du collectivisme. Et puis encore, cet " ordre juste "  qui associe pleinement sécurité et justice, dans le droit fil des combats de la gauche. Prétendre que l'ordre n'entre pas dans les objectifs de la gauche, ériger   en préalable à son établissement la solution de tous
les problèmes sociaux, c'est être sourd à l'exigence qui monte des milieux les plus populaires, les plus confrontés à tous les désordres, c'est oublier que la sécurité est une condition première de la vie. Enfin, et surtout, il y a cette " révolution démocratique ", cet appel à un nouvel âge de la démocratie qui fasse une place nouvelle à l'intervention citoyenne. C'est ce que demande toute une partie de la gauche depuis des décennies.

Au regard de l'orientation ainsi affirmée, des possibilités qu'elle ouvre, les polémiques agressives sur telle ou telle expression, telle ou telle forme suggérée,  que l'on peut toujours améliorer, sont subalternes et un peu ridicules.

La novation, elle s'exprime à travers tout cela, et c'est parce que Ségolène Royal, par ce qu'elle est et par ce qu'elle dit, en est porteuse que sa candidature a l'impact constaté dans le pays. Les sondages ne font que refléter le phénomène, de façon sinon exacte, en
tout cas approchée.

Alors, il ne faut pas, il ne faut surtout pas tuer l'espérance. Ne nous racontons pas d'histoire, lui tourner le dos, c'est laisser le champ libre à la démagogie de l'extrême-droite et à la victoire de la droite. Ce qui nous est proposé avec Ségolène Royal, ce n'est certes pas un avenir dépourvu de soucis et de problèmes. La novation est à construire. Mais l'immense mérite de la démarche qu'elle propose, c'est précisément d'ouvrir l'espace et les chemins de cette construction, de favoriser la mise en mouvement de la société elle-même. Et s'il y a une leçon à tirer du passé, c'est bien que sans ce mouvement, un gouvernement aussi bon soit-il, ne peut conduire au succès les réformes nécessaires.

Le Parti socialiste tout entier, et chacune et chacun de ses membres ont une responsabilité devant l'histoire. Ils peuvent permettre à la France de retrouver cet élan créateur qui a marqué les grands moments de son histoire. Ils peuvent aussi à cette occasion permettre à leur parti de gagner une place nouvelle dans ce pays et à la gauche tout entière d'engager de façon significative sa rénovation. Quel dommage si nous manquions ce premier rendez-vous avec le socialisme du 21ème siècle !

(Source : LIBERATION.FR, vendredi 10 novembre 2006)

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